Sur la route d’une mission d’interprétariat dans le Loiret en 2019
Dans une courbe sur la route j’ai entendu un moteur derrière moi et je me suis mis sur l’herbe pour pédaler mais la visibilité était entravée par le soleil. Tout d’un coup j’ai senti une douleur aigu¨¨e sur mon épaule et mon avant-bras gauche, et j’étais surtout sonné. J’avais l’impression d’être le cavalier sans tête. Un genre de cycliste zombie, pédalant même si mon corps semblait être détaché de mon cerveau. C’était comme la nuit des morts vivants.
C’est alors que je me suis rendu compte de ce qui m’était arrivé. Quelques secondes plus tard j’ai vu une petite camionnette blanche me dépasser, droit sur la chaussée – pas sur le côté de la route – mais elle perdait des morceaux de son rétroviseur. Le miroir dépassait la largeur du véhicule de quelques centimètres et avec les roues de la camionnette sur la chaussée et mon vélo sur le bas-côté, le miroir m’a frôlé ! Une chance que nous ayons été sur une courbe car le conducteur a ralenti à environ 50 km à l’heure pour pouvoir négocier cette courbe sans dériver. Si nous avions été sur un tronçon droit de la route la camionnette aurait probablement roulé à 70 km/heure, la limite légale de vitesse à cet endroit. Si cela avait été le cas je ne sais pas si je serais toujours là pour en parler aujourd’hui.
Le conducteur avait sans doute senti l’impacte et a jeté un coup d’œil dans son rétroviseur, constatant que le miroir n’était plus là. Il s’est arrêté environ 50 mètres devant moi, il s’est retourné, a roulé au pas jusqu’à ma hauteur, s’est mis sur le bas-côté, est sorti du véhicule et m’a demandé si je n’étais pas blessé. À ce moment-là j’étais déjà descendu de mon vélo et je marchais à côté de lui, tenant le guidon avec ma main droite, mais continuant à avancer vers l’est. La nuit des morts vivants, quoi. J’étais abasourdi d’avoir été frappé par un camion !
Le conducteur est un artisan du bâtiment. Derrière sa camionnette il avait des outils et du matériel de construction. Il était aveuglé par le soleil et ne m’a tout simplement pas vu. Il a offert de me conduire à hôpital de Sully-sur-Loire si nécessaire mais j’ai décliné l’offre. J’étais encore en vie et en fait, je n’avais pas trop mal, bien que j’étais un peu endolori et un peu sonné. Dans l’usine où je me rendais pour ma mission d’interprétariat il y a une infirmerie avec une infirmière en permanence en cas d’accidents du travail ou pour s’occuper de problèmes de santé ordinaires du personnel car il y a quelques centaines de travailleurs sur le site. J’ai dit que je pouvais probablement faire mon boulot sans trop de difficulté et s’il y avait un problème je pouvais aller voir l’infirmière de l’entreprise. Alors il a pris mon vélo, l’a mis dans son véhicule avec les matériaux de construction et il m’a déposé devant les portes de l’usine. Pas avant de m’avoir tendu sa carte de visite qui affichait son numéro de téléphone portable et son adresse électronique. Il m’a dit de ne pas hésiter de le contacter plus tard, au besoin.
Puisque c’était la toute première journée de ma mission il fallait que je me présente à l’accueil pour visiteurs. On m’a donné un badge d’accès, un casque de protection, un gilet réflecteur de la société et des chaussures de travail munies de caps d’acier. Ils prennent toutes les précautions nécessaires pour éviter des accidents de travail. Mais des accidents de la route avant d’arriver sur le lieu de travail, c’est une autre histoire. Puisque j’étais conduit sur site dans une camionnette, je suis arrivé plus tôt que prévu. Avant que la personne que j’attendais n’arrive, une jeune femme est entrée et a déverrouillé la porte qui mène à l’infirmerie, située dans le même immeuble. Je lui ai demandé si elle était infirmière est c’était bien le cas. Alors je lui ai montré une petite blessure sur mon avant-bras où j’avais été frappé par le miroir de la camionnette. Pensant que j’étais tombé à l’intérieur de l’usine – qui tourne 24 heures sur 24 – j’ai dit « Non, pas du tout, j’ai tout simplement été frappé par un camion sur la route en venant au travail ». Elle m’a fixé des yeux comme si elle voyait un fantôme. Elle a désinfecté la blessure – qui était tout à fait superficielle – et y a appliqué un pansement. Même s’il faisait beau en ce jour de printemps il faisait quand même un peu frais dehors à 7h30 le matin, surtout quand on roule en vélo pendant quatre kilomètres. Alors par dessus ma chemise je portais un épais pull en laine, puis une veste assez épaisse par-dessus le pull. Si cela avait été une journée chaude d’été et si j’avais été vêtu seulement d’une chemise, mon avant-bras aurait pu être entaillé. J’ai sans doute été sauvé par mon habillement ce jour-là.
(suite avec le prochain article)