Des exceptions

En matière d’habillement de l’interprète – à laquelle le client est si sensible – il y a des exceptions. Comme par exemple lorsque je me présente à une mission d’interprétariat en tenu décontracté, chemise couleur unie, pantalons élégant, chaussures cirées mais sans blason et sans cravate. C’est assez rare mais cela arrive parfois, à la demande expresse du client. Il m’est déjà arrivé de me présenter à des missions de plusieurs jours habillé comme un PDG de grand groupe le premier jour. L’inconvénient, c’est que personne d’autre dans la salle ne porte une telle tenue. Ni les commerciaux, ni les cadres moyens, ni même les membres du Conseil d’administration, ou le grand patron. La politique de la boîte c’est « faire du bon boulot mais à son aise ». Ils cherchent des résultats, pas des apparences. À l’issu de la première journée il y a toujours quelqu’un qui me prend à part juste avant mon départ ou discrètement pendant la pause café de l’après-midi pour me féliciter du bon travail que je suis en train de faire. Pour rajouter aussitôt : « Ce n’est pas la peine de venir demain habillé comme le président du Medef ». Je sais comprendre des messages subliminaux. Le lendemain, j’arrive habillé en « civil », sans l’uniforme protocolaire exigé pour la plupart des missions.

De même, j’ai interprété pour plusieurs réunions de comités d’entreprise européens, parfois pour des comités d’entreprises franco-français et dont le patron, lui, est étranger et non francophone. Puisque c’est la partie patronale (et non pas partie syndicale) qui m’engage, je viens toujours en costume cravate. Les représentants patronaux aussi. Seulement, les élus des salariés (délégués du personnel, délégués syndicaux) qui siègent au Comité d’entreprise viennent dans leurs tenues de travail habituel, cols blancs ou cols bleus. Mais sans la cravate. Ce qui fait en sorte que je ressemble – par mon habillement – à un allié de la partie patronale. L’interprète ne prend pas partie dans l’exercice de ses fonctions. Il traduit pour les uns et les autres afin de faciliter la communication pour tout le monde. Mais comme on peut imaginer, surtout pour des réunions conflictuelles où il est question de plans sociaux (licenciements), les représentants du personnel se méfient parfois de l’interprète « du patron ». Cette réaction n’est pas difficile à comprendre, bien qu’elle soit erronée. S’ils connaissaient mon engagement politique de gauche ils seraient rassurés mais ce n’est pas écrit sur le front.

(suite avec le prochain article)

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