Ces mots méprisants, adressés à un jeune chômeur à Lunel dans l’Hérault un jour de mai 2016, étaient prononcés par le très riche et très chic Emmanuel Macron, toujours tiré à quatre épingles, alors ministre de l’Économie de François Holland. Comme si les privés d’emploi ne savaient pas le prix d’un costume trois pièces vendu aux Galléries Lafayette. Et comme s’ils ne savaient pas l’importance de faire bonne impression lors d’un entretien d’embauche. Mais le mépris légendaire d’Emmanuel Macron ne connaît pas de limites quand il s’agit de s’adresser aux citoyens moins fortunés que lui (« fénéants, illettrés, losers, ces gens-là », les superlatifs n’ont jamais manqué dans la bouche du Président des Riches). On peut dire qu’il faisait concurrence avec le vocabulaire tout aussi élégant d’un de ses prédécesseurs, un certain Nicolas Sarkozy (« ceux qui se lèvent tôt, ceux qui se lèvent tard, la racaille », et ainsi de suite). Le problème est que le premier (banquier d’affaires de son état) et le deuxième (ancien maire de Neuilly-sur-Seine, ville la plus riche de France) sont tous les deux nés sous la bonne étoile. Issus de familles bourgeoises, élevés dans l’opulence, fréquentant de bonnes écoles, choyées par les conditions de vie et des conditions d’étude que les enfants de la classe ouvrière ne peuvent pas connaître, ils ne savent pas ce que c’est la pauvreté.
Ils ont pu lire des rapports et des livres érudits sur le sujet, mais du quotidien de nos concitoyens les moins fortunés, de l’angoisse de leurs fins de mois, ils n’en savent rien. Alors dire à un jeune chômeur d’une banlieue ouvrière qu’il faut trouver un travail, puis qu’ensuite il pourra acheter un costume comme celui que porte Monsieur Macron, c’est un peu comme Marie Antoinette qui a dit jadis aux sans culottes que s’ils n’avaient plus de pain, ils n’avaient qu’à manger de la brioche. Comme la noblesse d’autrefois, la haute bourgeoisie d’aujourd’hui – et la classe politique qui l’accompagne – est coupée des réalités du pays.
Moi, j’ai une armoire pleine de belles chemises à ma taille, quelques cravates avec des couleurs compatibles et deux costumes (blason et pantalon), un de couleur pâle, l’autre foncé, qui me vont tous les deux. Comment pouvais-je me le permettre ? Est-ce que j’ai fait un raid nocturne aux Galléries Lafayette pour les dérober ? Ou bien est-ce que j’ai gagné le loto pour pouvoir les acheter dans une boutique de luxe à prix d’or ? Ou peut-être ai-je négligé de payer mon loyer un mois pour me permettre d’acquérir mon premier costume et mes chaussures afin de me déguiser en homme d’affaires en vue de ma première mission d’interprétariat ? Et non, j’avais une autre astuce. C’est facile quand on fait ses courses dans les brocantes, dans les friperies, au Secours Populaire Français, aux boutiques Emmaüs, au Secours Catholique et à l’Armée du Salut. Attention, je ne m’appelle pas Charlie Chaplin ! Je n’ai pas le penchant d’un comique qui porte des vêtements trop grands pour lui pour faire un effet humoristique sur les planches d’un théâtre ou sur grand écran. Je suis très sélectif. J’achète seulement quand je trouve quelque chose que j’aime, dont la couleur va bien avec celle de mes cheveux et de ma peau, qui est parfaitement à ma taille et qui fait ressortir le meilleur de moi, côté apparence physique. Quand on cherche, on trouve. Aux prix des associations caritatives, donc des prix défiant toute concurrence. De ma vie je n’ai jamais acheté un costume dans un grand magasin au prix de détail, celui payé par les riches. Il s’agit de chercher et de ne pas se tromper d’enseigne.
(suite avec le prochain article)