Il faut que je vous raconte une histoire à l’occasion du 1er mai, la Journée internationale des travailleurs. Il m’est déjà arrivé de me présenter à des missions d’interprétariat décoré avec mes médailles de la guerre des classes. Casquette CGT, T-shirt de diverses ONG, autocollant sur mon sac arborant le portrait de Che Guevera, des badges politiques épinglés à ma chemise, quand ce n’est pas carrément l’enseigne de la LCR (Ligue Communiste Révolutionnaire) ou de son successeur le NPA (Nouveau Parti Anticapitaliste). Rassurez-vous : je ne me présente pas au forum économique de Davos vêtu ainsi. Mais il m’est déjà arrivé d’interpréter – à titre rémunérateur et non bénévole – pour un congrès national de la CGT, pour d’autres structures syndicales affiliées à cette centrale ou bien à FO, pour Médecins du Monde, pour le Festival Alternatiba, pour une association à Bruxelles travaillant dans le domaine des droits humains, pour la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine, pour le Parti communiste français, pour le Front de Gauche de Jean-Luc Mélenchon – avant que celui-ci ne lance la France Insoumise – ainsi que pour un dirigeant historique de la Quatrième Internationale (trotskyste).
Voilà, dans une carrière, on finit par tout faire. Les exceptions font rêver. Puis le lendemain on retourne à la dure réalité des sièges sociaux des banques, des compagnies d’assurances, les réunions des conseils d’administration des grands groupes, des études juridiques spécialisées dans le droit des affaires qui, elles, se foutent comme de l’an 40 de l’écologie, des droits humains, de la solidarité internationale ou de la condition sociale des travailleurs. Ce sont des mondes à part qui s’ignorent quand ils ne s’affrontent pas directement. L’habit ne fait pas le moine mais quand le soldat se présente à son régiment sans uniforme il se retrouve vite derrière les barreaux infâmes du quartier disciplinaire de la caserne. Quand l’interprète se présente au siège social d’une entreprise privée sans son uniforme (le costume cravate protocolaire), il peut perdre le client et se retrouver à terme à la rue, bon pour se pointer à Pôle Emploi. Ainsi va le monde des apparences.
Pour la deuxième année consécutive nous pouvons exprimer une pensée pour le personnel médical et autres travailleurs en première ligne, dont la plupart sont des travailleuses (infirmières, aides soignants, auxilières de vie, caissières et bien d’autres encore). Il y a plus de deux ans – bien avant l’apparition de la Covid-19 – les urgentistes se sont mis en grève pour demander plus de moyens pour l’hôpital public. Depuis, les hospitaliers n’ont cessé de réclamer plus de matériel, la réouverture des lits et des services, les embauches supplémentaires, l’augmentation des salaires (parmi les plus bas en Europe dans ce secteur d’activité) et la dotation de plusieurs milliards d’euros pour financer le tout. Vers le début de la crise sanitaire en mars 2020 le Président Macron avait annoncé un « plan d’investissement massif » en faveur de l’hôpital public. Voilà pour les effets d’annonce. Depuis, plus rien, ou en tout cas pas grand-chose. Notre système sanitaire attend toujours les fonds nécessaires pour accomplir sa mission. Le gouvernement tarde à livrer la marchandise. Tout comme les masques en 2020, cette année il tarde à livrer les vaccins en quantité suffisante. Ce sont bien les travailleurs de la santé qui avaient raison de lancer leur cri d’alarme et ceci même avant l’éruption de la présente pandémie.
Sur ces bonnes paroles, je prends un plaisir particulier à souhaiter à tous et à toutes une très bonne fête à l’occasion de la Journée internationale des travailleurs !
(suite avec le prochain article)
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