Réchauffement climatique et réchauffement diplomatique

Quiconque vit en France ou dans nombre d’autres pays européens se souvient de la tempête de décembre 1999. Non, je ne parle pas de la tempête informatique, monétaire et économique qui a précédé l’avenant du nouveau millénaire et la préparation pour la nouvelle monnaie unique, l’euro. C’était déjà la « tempête du siècle », manière de parler. Je parle de la tempête de vent ainsi baptisé, qui s’est abattue sur le Vieux Continent à partir du 26 décembre 1999. Venant de l’océan Atlantique avec une violence sans précédent, quel cadeau pour les fêtes de fin d’année ! Des bateaux réduits en ruines, des dommages énormes dans les villes côtières, des bâtiments sérieusement abîmés même loin de la côte, des infrastructures affectées et des forêts ravagées. Avec un bilan en France de 140 morts et plus de 17 milliards d’euros de dommages, on n’est pas prêt de l’oublier. Cet événement climatique extrême n’était pas le premier du genre et c’était loin d’être le dernier. Avec le réchauffement climatique personne n’est à l’abri, surtout dans les villes côtières. Quand ce ne sont pas les vents, ce sont les tsunamis ou la montée du niveau de la mer. Mère nature prend sa revanche aux abus que les Hommes lui infligent.

Parmi les nombreux dommages étaient ceux soufferts par le Château de Versailles, une des icônes du patrimoine français, célèbre à travers le monde entier. Avec le déficit qui n’arrête pas de se creuser au budget national, la culture est la dernière des priorités de nos gouvernants, qui préfèrent donner des exonérations d’impôts aux plus riches plutôt que de financer les travaux publics, que ce soit pour les infrastructures ou pour l’entretien de notre héritage culturel.

Avec cette tempête, tout comme avec l’ouragan Katerina qui a ravagé la ville de New Orleans aux États-Unis en 2005 (1 836 morts et 108 milliards de dollars de dommages), la bourgeoisie américaine ne fut pas très émue. Les victimes de Katerina étaient surtout des Noirs dans des quartiers pauvres de cette ville de Louisiane. Mais pour le Château de Versailles et pour l’amitié séculaire franco-américaine qui date de nos révolutions respectives (1776 et 1789), un certain nombre de millionnaires outre-Atlantique étaient prêts à mettre la main à la poche. Une initiative dans ce sens est survenue aux Etats-Unis en 2013 lorsque des personnalités de la culture française ont fait appel aux mécènes privés pour rénover le célèbre château, pas encore entièrement réparé depuis la tempête de 1999. Ces mêmes mécènes américains ont renouvelé leur geste de générosité après l’incendie qui a ravagé la cathédrale Notre-Dame de Paris en 2019. En tout cas, pendant que les promesses de dons ont afflués de la part d’hommes d’affaires bien en vue et d’autres personnalités américaines en 2013, on a eu droit à une visite royale de tout ce beau linge qui est venu à Versailles et à Paris pour l’occasion. D’une pierre, deux coups : la France a pu enfin réparer le célèbre château et en même temps renforcer ses liens avec les milieux culturels américains, renforçant ainsi les relations entre les deux pays. Avec Barack Obama à la Maison Blanche, c’était de bon augure.

Entre les innombrables visites, concerts, discours et dîners gala, un déplacement de ces généreux donateurs était prévu au Palais du Luxembourg dans lequel s’est installé le Sénat depuis 1799, exactement deux siècles avant la tempête dévastatrice. J’étais appelé à venir afin d’interpréter pour les mécènes dans ce magnifique bâtiment, un des meilleurs décors du Second Empire, bien préservé. En dehors des Journées du Patrimoine, peu de Français ont eu l’occasion de voir les salons somptueux du Sénat, pourtant financés par nos impôts. En tout cas, ils valent bien le déplacement. La mission était on ne peut plus banale, côté technique. Des discours lénifiants sur notre culture et sur l’amitié franco-américaine que n’importe quel interprète aurait pu faire les yeux bandés. Mes les miens n’étaient surtout pas bandés ce jour-là car le spectacle de l’intérieur du Palais du Luxembourg – construit sous Catherine de Médicis au 17ème siècle – était un véritable régal des yeux.

Mine de rien, il y avait un deuxième spectacle en ces lieux, beaucoup moins esthétique. Il s’agissait de l’habillement. Pas le mien mais celui de nos riches amis américains. Il y avait plus d’hommes que de femmes. Si on ne voyait pas la beauté du Palais tout autour de nous on aurait pu se croire sur la banquise dans l’Antarctique. Pas à cause du paysage, ni à cause de la température, mais bien à cause du troupeau de pingouins. Et oui ! Je n’ai jamais vu autant de fracs de ma vie et j’avais l’impression d’être sur la banquise en regardant ces drôles d’oiseaux si bien habillés, en noir et blanc, tous vêtus de l’uniforme protocolaire des ultra riches. Quant aux femmes, c’était beaucoup plus varié. Il y avait de magnifiques robes de soirée dignes des plus somptueux bals de la haute société. Mais aussi des dames habillées plus sobrement. Je me souviens d’une d’entre elles en particulier, vêtue d’une robe rose bonbon, de très mauvais goût à mon sens. Mais les goûts, ça ne se discute pas. Cela m’a autant amusé que le Palais du Luxembourg m’a émerveillé, tout comme la Galerie des Glaces du Château de Versailles. Il faut quand même imaginer un troupeau de pingouins multimillionnaires en ces lieux. Quant à d’éventuels rêves de richesse, vous pouvez les oublier. Impossible de déplumer ces messieurs, car les pingouins n’ont pas de plumes !

(suite avec le prochain article)

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