Après est sorti d’une mission d’interprétariat en octobre 2019 avec le début d’un petit rhume , j’avais déjà une autre mission prévue pour la semaine suivante. Ce n’était pas bien grave car un rhume, ça se soigne et une semaine plus tard je devais être en forme. Alors j’ai été très sage les jours suivants : je suis resté tranquillement à la maison tant que possible, je buvais des liquides (plus de tisanes que de whisky), j’ai fait très attention à mon régime alimentaire, je me suis couché de bonne heure et je me suis reposé dans la journée avec des petites siestes. Autant il n’y a pas de guérison pour un rhume, autant on peut favoriser son départ avec un minimum de prudence, une hygiène de vie exemplaire et un peu de patience. Dans quelques jours, le rhume s’en va. Sauf dans ce cas précis, car ce que j’avais était plus grave mais je l’ignorais compte tenu des symptômes.
Alors par prudence je me suis rendu chez mon médecin traitant et il a diagnostiqué une infection à la gorge, pour aussitôt me prescrire un traitement médicamenteux approprié. Heureusement ce n’était pas une angine et je n’avais pas de mal de gorge, sinon ce serait impossible d’interpréter ! En tout cas j’ai commencé le traitement tout de suite même si les médicaments ne pouvaient pas avoir leur effet complet à temps : la mission était pour le lendemain. Monsieur le docteur m’a au moins donné une bonne nouvelle : ce que j’avais n’était pas contagieux. Alors la collègue avec qui j’allais partager une cabine d’interprètes n’avait rien à craindre.
Le jour de la mission il pleuvait abondamment, avec un vent froid de surcroît. C’était dans la banlieue nord et j’ai bien fait de prendre mon parapluie pour me rendre sur site à partir de la gare. Je me suis habillé comme un ours polaire : débardeur en sous-vêtement, chemise épaisse, pull, cravate, blason. Sans parler des couches extérieures que j’ai mises pour m’aventurer dehors. Mais une fois à l’intérieur de la salle, c’est autre chose. Comme cela arrive souvent la cabine d’interprètes devient une véritable étuve. La salle est déjà chauffée à la température ambiante pour mettre les convives à l’aise et la cabine est un tout petit espace confiné. Il faut garder en permanence la porte de la cabine fermée pour éviter de déranger les autres car les premières rangées de chaises étaient situées à côté même de la cabine. Ma pauvre collègue mourait de chaleur et a enlevé le pull qu’elle portait pour n’avoir comme seul vêtement sur la partie haute de son corps qu’une légère blouse sans manches, ce qui l’arrangeait. Mais elle étouffait quand même de chaleur, buvant amplement de l’eau pendant sa journée de travail.
À côté d’elle j’ai gardé mon blason, ma cravate, mon pull, ma chemise et ce que ma collègue ignorait, bien sûr, mon débardeur en dessous de la chemise, pendant que je sirotais un café chaud ou une tisane. Moi, j’étais parfaitement confortable. Elle me regardait comme si j’étais un ours polaire sur la banquise avec mes gros poils blancs pour me protéger du froid, dans ce petit espace confiné devenu une étuve. En guise d’explication je lui ai dit que je me soignais pour une infection mais qu’elle n’avait rien à craindre car ce n’était pas contagieux. On avait l’air de deux espèces différentes : un oiseau tropical et une bête poilue, gonflé de gras assis sur la banquise près du cercle polaire. Un drôle de couple dans une cabine d’interprètes, mais on a réussit brillamment la mission, sans encombres.
On a repris le RER ensemble pour rentrer à Paris et on s’est quitté à la Gare du Nord, où nos chemins se sont séparés. Après tant d’heures de promiscuité dans quelques mètres carrés où l’air ne circulait pas (la cabine d’interprètes) si elle aurait pu attraper le moindre de mes microbes elle l’aurait déjà fait depuis longtemps. Il n’empêche, sachant que je me soignais pour une infection à la gorge, elle a renoncé à la traditionnelle bise d’au revoir, ne voulant pas tomber malade à son tour. Je comprends parfaitement son réflexe, même s’il a été futile. Pas de transmission de microbes, pas de transmission de maladie, Madame est restée en pleine forme. Et Monsieur s’est guéri. Deux missions d’interprétariat en une semaine, enjambées par une convalescence que je croyais au début être pour un simple rhume. J’étais donc payé pour ces deux journées et j’ai survécu à mes microbes. Un petit miracle médico-professionnel comme il nous en arrive parfois.
(suite avec le prochain article)