Faire la lessive ou sortir d’une mission lessivé ?

Si les scoutes sont toujours prêts, les interprètes – femmes et hommes – le sont aussi avec une garde-robe compatible avec les missions qui sont les leurs : pour Madame des collants sans maille de filet, robes et tailleurs, pour Monsieur costume cravates, pantalons et chemises, le tout bien lavé et pressé. Mine de rien, une réserve suffisante de « vêtements de travail » et des visites fréquentes chez le teinturier, quand ce n’est pas des lessives que l’on fait chez soi, avec les corvées de repassage qui s’en suivent, font partie des préparatifs pour des missions d’interprétariat. Car il y a des missions qui peuvent survenir à la dernière minute et il faut toujours avoir une garde-robe suffisamment garnie. C’est un peu comme dans l’industrie du vêtement. Les interprètes, eux aussi, ont leur réserve de fringues « prêt-à-porter ». Après une mission particulièrement difficile les interprètes peuvent sortir de la salle de conférence « lessivés », c’est-à-dire psychologiquement fatigués et vidés. Alors que ce soit au sens propre ou au figuré, les interprètes passent souvent à la lessive. Un cas de figure de plus en plus fréquent qui me fait sortir d’une mission « lessivé » est la langue dans laquelle des cadres supérieurs choisissent de prendre la parole quand ils montent à la tribune. En général les Anglais parlent anglais, les Allemands parlent allemand, les Russes parlent russe, les Arabes parlent arabe, les Italiens parlent italien, les Espagnols parlent espagnol, les Portugais parlent portugais et les Français parlent… anglais. En général ils le parlent mal mais ils préfèrent s’exprimer dans cette langue plutôt que dans la leur. L’inconvénient, c’est que personne ne les comprend. Les Français dans la salle ne pigent pas parce qu’ils ne maîtrisent pas tous la langue de Shakespeare. Les anglophones d’origine (Britanniques, Irlandais, Américains, Canadiens, Australiens, Néo-Zélandais et autres Sud-Africains) ne les comprennent pas plus, tellement les cadres français prononcent mal les mots avec leur accent distinctif, leur maîtrise approximative de la grammaire anglo-saxonne et leur vocabulaire limité. Quant aux interprètes, ils font de leur mieux pour comprendre ces Gallois, tellement réfractaires à parler en public dans leur langue. Ces dignes représentants du peuple français pensent qu’ils font ainsi preuve de politesse envers leurs invités anglo-saxons. Et ce ne sont pas les interprètes qui peuvent leur dire le contraire sous peine de perdre le client, de ne pas être payés pour la mission ou encore d’être obligés d’intenter un procès au Tribunal de Commerce pour encaisser leur dû. Car les cadres en question prétendent que l’interprète sort de son rôle s’il ose demander à son client de parler dans sa propre langue. J’en ai fait l’expérience plus d’une fois. Croyez-moi, on sort d’une telle expérience lessivé.

(suite avec le prochain article)

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